« Les Tibétains du Tibet étaient si heureux de le voir enfin ».

Tout au long de l’année 2023, Tibet Watch, partenaire de recherche de Free Tibet, a mené une série d’entretiens avec un groupe de réfugiés tibétains nouvellement arrivés à Dharamsala, dans le nord de l’Inde, qui ont fui le Tibet occupé.

En raison de sa longueur, nous avons divisé ce dernier récit en trois parties. Les parties un et deux sont également disponibles sur notre site Web.

Dans cette dernière partie, la réfugiée, une femme de quarante ans originaire du Tibet central, détaille comment le gouvernement chinois a investi des sommes importantes dans les infrastructures civiles et militaires aux frontières du Tibet avec l'Inde, décrit les effets du système des pensionnats sur le langue tibétaine et parle brièvement de la réaction au Tibet lorsque les Tibétains ont vu une vidéo du Dalaï Lama début 2023.

Cet entretien a été réalisé le 21 septembre et est le sixième de la série (les témoignages précédents sont disponibles ici : I, II, III, IV, V). Le récit suivant est rédigé dans ses propres mots. Nous avons gardé son identité anonyme et omis quelques détails géographiques pour des raisons de sécurité.

Un autre développement au Tibet est lié au développement des zones frontalières. La Chine dépense énormément d’argent pour les personnes résidant à la frontière. Ils dépensent de l’argent pour fidéliser les gens. Mon village natal est à la frontière, donc tout le monde est payé pour vivre à la frontière. Il faut rester au village pour être payé. Vous ne pouvez pas non plus le refuser. Ils offrent également différentes choses comme un réfrigérateur, une bouteille, etc. au nom de « cadeaux » de Xi Jinping. Celles-ci sont également courantes dans les zones non frontalières comme Shigatse.

L'armée est massivement déployée à la frontière. Même les villageois de la zone frontalière sont invités à patrouiller. Ma mère et ma famille ont été invitées à patrouiller dans la zone frontalière. Certains Tibétains ont également participé à la transmission d'informations et à l'arrestation de Tibétains qui tentaient de traverser la frontière pour fuir vers l'Inde. C’est ainsi que l’argent est dépensé dans la zone frontalière.

Quand j'étais jeune, il y avait peu de militaires dans la région, mais leur présence a considérablement augmenté aujourd'hui. Il y avait quatre à cinq unités militaires au début de l'année 2000 lorsque j'y étais : 1) 海关, Haiguan 2) 边防, Bianfang 3) 伍张信, Wu zhang xin et 4) 中及人, Zhong ji ren.

Il existe quelques autres petites unités mais je ne connais pas les noms. J'ai entendu dire que de nombreuses armées chinoises avaient perdu la vie pendant la guerre de Galwan, mais cette information était gardée secrète.

En général, ils essaient de recruter des Tibétains mais ils n'arrivent pas à en recruter beaucoup.

Réinstallation forcée

Il existe de nombreuses nouvelles colonies de nomades dans la région autonome du Tibet. Mes amis d'un village de Shigatse – proche de la frontière entre le Népal et le Tibet – m'ont récemment raconté que les autorités leur avaient demandé de se réinstaller à Lhassa. Je ne connais pas la raison de la réinstallation. Cela reste à faire.

Mais de nombreuses personnes du Kham Chamdo ont été réinstallées dans la région de Medro Gongkar. C'était une ville immense et j'y suis allé récemment. Toutes les maisons ont été construites selon une structure similaire. On le reconnaît facilement car il est immense, construit dans le même style et même le toit a exactement la même couleur. Les villageois d'un village ont été divisés en trois colonies différentes.

Il y avait des nomades du Kham qui ont été réinstallés à Tsal Gungthang près de Lhassa. Beaucoup de Nagchu ont également été réinstallés à Lhassa. J’ai entendu dire qu’ils sont confrontés à des difficultés car ils sont pour la plupart nomades et ne sont pas habitués aux nouveaux modes de vie. Je pense que la plupart des habitants des zones reculées et peu peuplées sont invités à déménager et à se réinstaller en ville. Je pense que c’est une tentative [du gouvernement] de faciliter le contrôle de tout le monde. J'ai entendu dire aux nomades que la politique de réinstallation visait à assurer la protection de l'écologie et des prairies.

Nomades tibétains à Golog (Tibet.net)

Internat et précarité de la langue tibétaine

La Chine a créé des internats préscolaires (བུ་གཅོལ་ཁང་།) dans chaque village du Tibet. Ils l'ont rendu obligatoire pour tous. Si leurs enfants devaient s'inscrire à l'école pour y suivre des études, ils doivent avoir trois années d'internat préscolaire. À notre époque, nous avions peu d’internats et les enfants âgés de plus de six ou sept ans seulement étaient inscrits. Désormais, les enfants de trois ans sont envoyés dans des écoles maternelles en internat et c'est également obligatoire.

Les enfants tibétains qui parlent couramment le chinois et le tibétain manifestent de nombreuses inquiétudes. Même lorsqu’ils lisent des textes tibétains, ils lisent lentement. Et ils lisent comme un Chinois lisant le tibétain.

Ils mélangent la langue chinoise dans chaque conversation. Leurs compétences en langue tibétaine sont très faibles et les parents tibétains s’inquiètent des compétences en langue tibétaine de leurs enfants. Ils se plaignent que leurs enfants échouent aux examens de langue tibétaine et essaient de les envoyer à des cours de coaching tibétain. La langue chinoise est enseignée partout.

Mon amie qui étudie dans un institut médical à Lhassa m'a récemment dit qu'ils apprenaient la langue chinoise et qu'elle suivait des cours de coaching en langue chinoise.

Les principaux objectifs de l’enseignement et de l’éducation de la langue chinoise sont de promouvoir la civilisation et la culture chinoises parmi les Tibétains et de supprimer ou d’anéantir la culture, la civilisation et la langue tibétaines.

Les Tibétains sont extrêmement prudents et conscients du statut et des perspectives de survie de la langue tibétaine.

Un internat à Chamdo, au centre du Tibet

Incident vidéo

J'ai vu une vidéo de Sa Sainteté en avril sur Douyin. Je ne sais pas pourquoi ses vidéos ont été autorisées sur la plateforme de médias sociaux. Des vidéos de Sa Sainteté avec un enfant indien ont été autorisées à circuler pour tenter de se moquer de lui et ils ont pensé que les Tibétains se sentiraient dégoûtés, mais cela s'est retourné contre eux.

Les Tibétains du Tibet étaient si heureux de le voir enfin. Ils étaient plus que ravis et tous ont fait des commentaires élogieux. Les autorités n’avaient donc plus d’autre choix que de le bloquer à nouveau.

Leur politique s’est retournée contre eux. C'était tellement bien parce que les Tibétains qui sont plus jeunes que moi ne l'ont jamais vu de leur vie. Mais désormais, ils peuvent le reconnaître. Ils l'ont vu. Et ils s'en souviendront.

Informations fournies par Tibet Watch.

"Tibetans in Tibet were so happy to see him finally"

A refugee from Tibet describes their fears about colonial boarding schools and Tibetans' joy of seeing a video of the exiled Dalai Lama

https://freetibet.org